Ce matin, en regardant par la fenêtre de mon appartement cosy du centre de Boston, au Massachusetts, je m’émerveille de la neige que nous a apportée la tempête Nemo.  D’après les dernières nouvelles, il fait -15 C dehors.  En prenant mon petit-déjeuner, je me demande comment certains animaux réussissent-ils à garder la chaleur par un froid pareil?  Qu’est-ce que l’hibernation au juste?  Quelle est la base biologique de la thermogénèse lorsque nous sommes exposés au froid?  L’homme, est-il également capable d’hiberner?

On dit que l’hiver sera froid et durera tant que l’ours ne sortira de sa tanière.  Imaginez que vous puissiez dormir tout l’hiver et que pendant votre sommeil, vous arriviez à garder la chaleur, et à perdre votre graisse superflue, sans pour autant perdre votre masse musculaire!  C’est ce que l’ours brun d’Amérique du Nord arrive à faire pendant son hibernation, un processus qui peut durer jusqu’à sept mois.  Son secret?  Le tissu adipeux brun.  Pendant sa léthargie, l’animal freine son métabolisme, et puise son énergie dans les réserves accumulées durant l’été.  Plus important encore, le tissu adipeux brun qu’il possède lui permet de brûler les graisses stockées, pour créer la chaleur et maintenir son organisme dans un état endormi tout l’hiver.  L’homme n’aurait malheureusement pas cette capacité d’hibernation.  En effet, si il se retrouve dans un état comateux pour plusieurs semaines, voire mois, il brûle les graisses, mais perd également sa masse musculaire.  Cela dit, tout comme l’ours brun, les bébés humains, qui n’ont pas la capacité d’évaluer la température extérieure, naissent avec du tissu adipeux brun, qui leur permet de garder la chaleur pendant les premières semaines de vie, tout en consommant des lipides qu’ils accumulent.  D’ailleurs, près de 25 % de la masse corporelle du nourrisson est composée de tissu adipeux brun, qui s’étale dans le dos au niveau des reins, ainsi que dans les épaules.  Contrairement à la graisse blanche qui est le carburant dans notre organisme, le tissu adipeux brun ou graisse brune, est riche en mitochondries (ce qui lui donne cette couleur brune), qui ont la capacité de brûler l’énergie (sous forme de graisse et de sucre), plutôt que de la stocker.  Apres quelques mois, les traces de graisse brune disparaissent du corps, puisque l’enfant acquiert peu à peu la capacité de frissonner.  Enfin, c’est ce que l’on pensait.  De manière intéressante, de récentes publications montrent que l’homme adulte possède également du tissu adipeux brun, et que celui-ci est activé lors d’une exposition au froid et est localisé au niveau du cou, des épaules, ainsi que le long de la colonne vertébrale.  Les gens obèses en ont moins que les gens de poids normal.  Les personnes âgées en ont moins que les personnes jeunes, et les hommes en ont moins que les jeunes femmes.  Mais à quoi peut-il bien nous servir?

Dans le laboratoire où je travaille au Dana-Farber Cancer Institute et Harvard Medical School, nous collaborons entre autres, avec le groupe de recherche mené par le ProfBSpiegelman et qui s’intéresse au développement et au métabolisme du tissu adipeux brun.  Utilisant comme modèle expérimental la souris, l’équipe de recherche du ProfSpiegelman a montré qu’il existe un nouveau type de tissu adipeux brun, qui est produit à partir du tissu adipeux blanc lorsque les animaux sont soumis à l’exercice physique.  Plus surprenant encore, lorsque les souris s’entrainent, leurs muscles relâchent une hormone que les chercheurs ont nommée Irisine.  Une fois dans la circulation sanguine, la protéine Irisine agit en reprogrammant les cellules du tissu adipeux blanc pour les convertir en cellules du tissu adipeux brunAinsi, les cellules du tissu adipeux brun brûlent les calories, et améliorent le métabolisme systémique en augmentant la consommation d’énergie des animaux.  Ce mécanisme pourrait être similaire chez les humains, puisque des recherches parallèles ont permis la détection d’Irisine dans le sang de sportifs lors de leurs entraînements physiques.  Cette étude a permis de montrer l’un des bienfaits de l’exercice chez l’homme, et peut à long terme permettre de trouver un remède contre les maladie métaboliques comme l’obésité et le diabète.

J’ai bientôt terminé mon petit-déjeuner.  Voici, en résumé, ce que je retiens : l’ours a trouvé la solution miracle pour rester « fit » tout en étant flémard et dormeur.  La nature l’a honoré d’un bon métabolisme, et lui as offert du tissu adipeux brun qui lui permette de rester au chaud lorsqu’il le souhaite.  Moi, j’ai des traces d’une sorte de tissu adipeux brun, qui me sont restées après la naissance.  En faisant de l’exercice, je pourrais favoriser la production du tissu adipeux brun, ce qui me permettra de brûler mes calories et éviter de stocker la graisse superflue.  De plus, lorsque je sortirai à -15 C, je serai protégée du froid, et mon organisme aura la capacité de régler sa température optimale, en utilisant les machines énergétiques de la graisse brune, tout en brûlant mes calories accumulées pendant mon petit-déjeuner.  Alors, quel est le meilleur scenario pour faire face à une température de -15C à votre avis?  Dois-je m’endormir pendant tout le week-end dans mon lit ou courir à la salle de sport?  Réveillez-moi quand vous aurez la solution.

Sanda L.

Référence:

Boström P, et alA PGC1-α-dependent myokine that drives brown-fat-like development of white fat and thermogenesis. Nature2012 Jan 11;481(7382):463-8.